Réanimation du choc

Le choc anaphylactique.

 

P.-M. Mertes (1)
(Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service)

pm.mertes@chu-nancy.fr
M.-C. Laxenaire (2) (Professeur émérite)

mc.laxenaire@chu-nancy.fr

 

(1)   Service d´anesthésie-réanimation chirurgicale des hôpitaux de ville, centre hospitalier universitaire, Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France

(2)   Faculté de médecine, université Henri Poincaré, centre hospitalier universitaire, Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France

 

Introduction

L´anaphylaxie est la manifestation la plus grave des réactions d´hypersensibilité immédiate. Ces accidents rares, le plus souvent non prévisibles et parfois mortels sont secondaires à une libération de médiateurs provenant des mastocytes et des polynucléaires basophiles d´un organisme préalablement sensibilisé par un antigène.

Physiopathologie

Les accidents d´anaphylaxie sont des réactions d´hypersensibilité immédiate, médiées par les immunoglobulines E (IgE). Les anticorps IgE sont synthétisés lors d´un premier contact de l´organisme avec l´allergène, appelé « contact préparant », asymptomatique sur le plan clinique. Les IgE sont fixées par leur fragment Fc  des récepteurs membranaires de haute affinité (FcεRI) présents en nombre élevé sur les mastocytes et les basophiles, et en nombre réduit sur certains macrophages, éosinophiles et cellules de Langerhans, et sur des récepteurs de faible affinité (FcεRII, ou CD23) présents sur les éosinophiles, les plaquettes, les macrophages, les cellules de Langerhans et les lymphocytes B . Lors de la réexposition à l´allergène, après une phase de latence d´au moins une dizaine de jours, temps nécessaire à la synthèse des anticorps, il se produit une libération du contenu des granules stockés dans ces cellules : c´est le « contact déclenchant »  résultant du pontage des IgE par des antigènes di ou plurivalents induisant l’aggrégation des récepteurs FcεRI entrainant l’activation des cellules effectrices. Ces granules contiennent des médiateurs préformés qui sont immédiatement libérés (histamine, facteurs chimiotactiques pour les éosinophiles et les neutrophiles, tryptase et enzymes diverses...) et des médiateurs néoformés (leucotriènes, prostaglandines, facteur d´activation plaquettaire, thromboxane). L´importance de la dégranulation cellulaire est conditionnée par l´affinité de l´allergène pour les anticorps et par le nombre de ces anticorps fixés à la surface de la cellule. Parfois, une réaction anaphylactique se produit lors du premier contact apparent avec l´allergène. Il faut admettre que celui-ci réagit avec des IgE générées par une sensibilisation à un autre allergène, il s´agit dans ce cas d´une sensibilisation croisée.

Ce sont les médiateurs, préformés et néoformés, libérés par la réaction antigène-anticorps qui sont responsables de la symptomatologie observée.

L’histamine exerce ses effets en se liant à trois types de récepteurs omniprésents dans l´organisme, H1, H2, H3 et H4. Les effets liés à la stimulation des récepteurs H1 sont la bronchoconstriction, la vasodilatation, l´augmentation de la perméabilité capillaire avec constitution d´un œdème interstitiel. Les effets dépendants de la stimulation des récepteurs H2 sont la sécrétion d´acide gastrique, l´augmentation du péristaltisme, la sécrétion de mucus bronchique, la vasodilatation des artères pulmonaires et coronariennes, les effets chronotropes et inotropes positifs au niveau du myocarde. La stimulation des récepteurs H3  rend compte des effets de l’histamine sur la vigilance(1) et contribue à la dépression myocardique ADDIN ENRfu (2). Bien que son rôle exact ne soit pas établi, la stimulation du récepteur H4 , principalement exprimé par les cellules hématopoïétiques, pourrait jouer un rôle important dans les actions immunomodulatrices de l’histamine(3). L´histamine est rapidement métabolisée par la méthyltransférase (érythrocytaire, hépatique et rénale) en méthylhistamine, dont l´élimination est urinaire.

Les enzymes libérées (tryptase, hyaluronidase, chymase, kininogénase...) altèrent le tissu conjonctif, la membrane basale des vaisseaux et provoquent une hyperperméabilité capillaire.

Les facteurs chimiotactiques pour les polynucléaires neutrophiles et éosinophiles provoquent une attraction et une activation des cellules précitées. Celles-ci synthétisent d´autres médiateurs qui pérennisent et amplifient la réaction initiale.

Différents médiateurs dérivés de l´acide arachidonique par la voie de la lipo-oxygénase ,tels que les Leucotriènes ou par la voie de la cyclo-oxygénase, comme les Prostaglandines D2 et F2 , Le thromboxane A2,  ou, la prostacycline, vont péréniser la symptomatologie observés

De très nombreux autres médiateurs : Facteur d´activation plaquettaire, Oxyde nitrique, sérotonine, bradykinine, calcitonine-gene related peptideont également été impliqués dans les manifestations de l´anaphylaxie.

Le choc anaphylactique, lié à une réaction immunologique, est parfois difficile à distinguer de manifestations d’hypersensibilité immédiate (indépendantes des IgE anciennement appelées anaphylactoïdes)  ADDIN ENRfu (4). Celles-ci sont liées le plus souvent  à une histaminolibération non spécifique secondaire à l´action toxique de la substance au niveau de la membrane des mastocytes et des basophiles. La réaction clinique est généralement moins grave qu´au cours d´une réaction immunologique car la libération d´histamine est moins massive et le rôle de médiateurs néoformés est négligeable.  ADDIN ENRfu (4)

Étiologie

Les accidents d´anaphylaxie peuvent être classés en fonction du type d´allergène responsable ADDIN ENRfu (5, 6).

Les Allergènes protéiques( venins d´hyménoptères guêpes, abeilles, frelons, aliments, sérums, certains vaccins, hormones ou enzymes, pollens, latex) sont les plus classiquement impliqués.

Des Allergènes polysaccharidiques (Dextrans, hydroxyéthylamidons) ont également été  incriminés

De très nombreux xénobiotiques, le plus souvent des haptènes, en se liant à une protéine porteuse ,ou par une interaction directe avec les protéines présentes çà la surface des cellules présentatrices d’antigène, peuvent également devenir des immunogènes.  ADDIN ENRfu (7) Ils comprennent des antibiotiques (bêtalactamines en priorité mais également cyclines, quinolones, vancomycine, polymyxine...), les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la protamine, l´aprotinine, des agents anesthésiques généraux ou locaux, des myorelaxants, certains antalgiques (glafénine, pyrazolés), des agents diagnostiques comme les produits de contraste iodés ADDIN ENRfu (8, 9),   certaines vitamines (thiamine, acide folique), des antiseptiques (chlorhexidine)  ADDIN ENRfu (10), l´oxyde d´éthylène.  ADDIN ENRfu (11, 12)

 Certains accidents anaphylactiques sont induits par l´exercice.  ADDIN ENRfu (13) Parfois, aucune étiologie n´est retrouvée (accidents anaphylactiques idiopathiques signalés dans environ 10 % des cas)  ADDIN ENRfu (14, 15).

Fréquence relative

La majeure partie des chocs anaphylactiques est d´origine médicamenteuse. Les bêtalactamines, probablement en raison de la fréquence de leur usage, sont les agents thérapeutiques les plus impliqués dans les réactions anaphylactiques  ADDIN ENRfu (16).  En anesthésie, les curarisants sont responsables de 50 à 70 % des accidents anaphylactiques peropératoires.  ADDIN ENRfu (17) Ainsi, en France, en 2001-2002, sur 491 chocs anaphylactiques survenus en cours d´anesthésie et confirmés par des investigations allergologiques, 55 % étaient dus à un curare, 22 % au latex, 15 % aux antibiotiques (donnés au titre d´une antibioprophylaxie en début d´anesthésie), 1 % aux hypnotiques, 2,8 % aux substituts plasmatiques,21,4 % aux morphiniques ADDIN ENRfu (18). L´incidence des réactions anaphylactiques aux curares a été évaluée à 1/6 500 anesthésies ayant comporté un curare.  ADDIN ENRfu (4) Les chocs surviennent quelques minutes après l´injection intraveineuse des produits d´anesthésie, hormis les accidents au latex. En effet, le latex entre dans la composition des gants chirurgicaux, des sondes urinaires, des masques de ventilation... Chez un patient porteur d´anticorps au latex, la réaction immunologique se produira lorsque les protéines du latex apparaîtront dans la circulation. Les voies de pénétration étant transcutanée, transmuqueuse ou transpulmonaire, ceci explique qu´il y ait un délai de 15 à 30 minutes entre les contacts et le déclenchement de la réaction anaphylactique.

Les aliments peuvent entraîner des accidents anaphylactiques graves  ADDIN ENRfu (19-21). La prévalence de ces réactions allergiques dans la population générale française a été estimée à 3,24 %.  ADDIN ENRfu (22) Aux États-Unis, l´anaphylaxie alimentaire serait la cause la plus fréquente des chocs anaphylactiques, incriminée dans 41 % des cas.  ADDIN ENRfu (23) Une enquête multicentrique française a montré que la fréquence des chocs anaphylactiques d´origine alimentaire était en nette augmentation depuis 10 ans (fréquence multipliée par 5).  ADDIN ENRfu (24) Les aliments impliqués sont l'arachide, d'autres fruits secs (noisettes, noix, pistaches, amandes, noix de cajou, noix du Brésil), les crustacés, les poissons (thons, saumons), le lait, les œufs, certains légumes (pois, haricots, lentilles, soja), certains fruits (fraises, bananes, avocats, kiwis ...). Des sensibilisations croisées ont été mises en évidence entre certains fruits (banane, châtaigne, avocat, kiwi...) et le latex.  ADDIN ENRfu (25, 26)

On a recensé, en France, 16 à 38 décès par an secondaires à des piqûres d´hyménoptères  ADDIN ENRfu (27)durant la période 1981-1991. La prévalence des réactions systémiques secondaires à une piqûre d´hyménoptère serait de 3 % dans la population générale.  ADDIN ENRfu (28) Il s´agit essentiellement de réactions aux enzymes présentes dans les venins (phospholipase, hyaluronidase).

Les pneumallergènes et les antigènes parasitaires sont exceptionnellement en cause dans le déclenchement d´un choc anaphylactique.

 

Signes cliniques

 

Selon la susceptibilité du patient, la voie d´introduction de l´allergène, sa quantité et rapidité d´administration, la symptomatologie clinique est variable et apparaît en quelques minutes ou en quelques heures ADDIN ENRfu (16).

Les Signes cutanéomuqueux sont souvent les premiers signes d´appel. Ils touchent initialement les régions les plus riches en mastocytes (la face, le cou, la région antérieure du thorax) puis se généralisent rapidement. Il s´agit d´urticaire ou d´un érythème « rouge homard » ou maculopapuleux. L´œdème de Quincke atteint la face et le cou, peut s´étendre au larynx et se généraliser, entraînant une dysphonie et une dyspnée avec risque d´asphyxie. Les réactions cutanéomuqueuses peuvent manquer s´il existe d´emblée un état de choc avec collapsus cardiovasculaire.

Les Signes respiratoires peuvent parfois s´intégrer dans le cadre de l´œdème de Quincke, ou se caractériser par un bronchospasme qui peut être majeur, la ventilation est alors impossible malgré l´intubation. Un tableau d´œdème aigu du poumon peut se constituer, secondaire à des troubles de la perméabilité capillaire ou plus rarement à une dysfonction myocardique. Enfin, un arrêt respiratoire peut survenir.

Les Signes cardiovasculaires découlent de l’effet des médiateurs libérés.La vasodilatation et l´augmentation de la perméabilité des capillaires vasculaires avec plasmorragie entraînent un état de choc hypovolémique avec collapsus cardiovasculaire et tachycardie. Une bradycardie peut exister en particulier chez les patients traités par bêtabloquants ou lorsque l´hypotension a été brutale (réflexe vagal de Bezold-Jarisch)  ADDIN ENRfu (29). Le collapsus est parfois expliqué par une dysfonction cardiaque secondaire à des troubles aigus du rythme cardiaque, de la conduction et de la repolarisation. Si ce dysfonctionnement est primitif, on parle d´anaphylaxie cardiaque, l´insuffisance cardiaque étant induite par les médiateurs libérés directement in situ. Ce dysfonctionnement cardiaque est le plus souvent secondaire à une hypoxémie avec acidose respiratoire, à une hypoperfusion coronarienne, à une insuffisance ventriculaire droite par hypertension artérielle pulmonaire aiguë. La survenue d´une dysfonction cardiaque est plus fréquente en cas de cardiopathie antérieure. Un arrêt cardiaque est un possible aboutissement d´un choc prolongé ou d´une anoxie sévère secondaire à un bronchospasme ou une obstruction œdémateuse des voies aériennes supérieures.

On définit quatre grades de sévérité clinique croissante dont la connaissance est utile pour guider le traitement. Seuls les grades III et IV entrent dans le cadre de cet exposé :

-              Grade I : ces réactions, qui peuvent être réversibles en l’absence de traitement spécifique, sont limitées à l’apparition de manifestations cutanéo-muqueuses,

-              Grade II : ces réactions associent de manière variable des signes cliniques témoignant du retentissement de la réaction sur plusieurs organes ou  fonctions. Certains signes cliniques peuvent cependant manquer, comme les manifestations cutanées par exemple. Ces réactions nécessitent habituellement la mise en œuvre de traitements symptomatiques, mais leur caractère modéré ne met pas en jeu le pronostic vital,

-              Grade III : ces réactions associent de manière variable des manifestations cliniques témoignant de l’atteinte d’un ou plusieurs organes ou fonctions, dont l’intensité peut être considérée comme mettant en jeu le pronostic vital

-              Grade IV : ces réactions particulièrement sévères correspondent à des arrêts ou à une inefficacité cardiocirculatoire, imposant la mise en œuvre des modalités classique de réanimation de l’arrêt cardiaque.

L´évolution est le plus souvent favorable si le traitement est rapide et adapté. L´érythème, le bronchospasme et le collapsus régressent rapidement alors que la tachycardie et l´œdème persistent en général quelques heures. Il s´ensuit fréquemment un état de fatigue intense pendant 24 à 48 heures.

Des épisodes de rechute sont possibles durant les 24 premières heures qui suivent la symptomatologie initiale. Leur fréquence de survenue  ADDIN ENRfu (30)est d´environ 20 %. Ainsi, une surveillance hémodynamique continue est indiquée durant cette période.

Des formes prolongées de choc anaphylactique et des formes résistantes aux doses habituelles d´adrénaline ont été décrites.

Les rechutes et les réactions prolongées sont plus fréquentes lorsque le délai d´installation des signes initiaux est long et lorsque la porte d´entrée de l´allergène est orale.

Des complications telles qu´un coma végétatif, séquelle d´une anoxie cérébrale, un syndrome hémorragique, un syndrome de détresse respiratoire aiguë, une insuffisance cardiaque, hépatocellulaire ou rénale ont été décrites si le choc se prolonge ou si le bronchospasme ne cède pas.

Un retard à l´institution du traitement, une thérapeutique inadaptée ou l´existence d´une tare antérieure peuvent être à l´origine des complications et du décès du patient.

Facteurs favorisants

Il n´existe pas de critères prédictifs qui permettraient d´identifier des sujets à risque d´allergie aux venins d´hyménoptères ADDIN ENRfu (31).

En ce qui concerne la sensibilisation au latex, divers facteurs de risque ont été démontrés : enfants porteurs d´un spina bifida, avec des sondages urinaires multiples et les enfants multiopérés (contrairement aux adultes),  ADDIN ENRfu (32) exposition professionnelle chronique au latex (professionnels de santé, agroalimentaire ...), atopie, allergie à la banane, à l´avocat ou autre fruit exotique, prurit des mains au contact de gants en caoutchouc ou œdème des lèvres en gonflant des ballons de baudruche  ADDIN ENRfu (33, 34) .

Différents facteurs ont été considérés comme favorisant le déclenchement du choc allergique d´origine alimentaire. Il s´agit de l´effort, de la prise d´alcool et d´aspirine qui augmentent la perméabilité intestinale ou bien (cas isolés) d´une allergie concomitante aux pollens, au latex, aux acariens (anaphylaxie par réactions croisées).

 Concernant la sensibilisation aux médicaments de l´anesthésie, et en particulier aux curares, il n´a pas été prouvé l´existence de facteurs de risque.  ADDIN ENRfu (35, 36)

Différents facteurs aggravant ont été identifiés.

La sévérité des chocs chez les patients traités par bêtabloqueurs est connue. En effet, les mécanismes cardiovasculaires d´adaptation à une vasodilatation brutale sont alors bloqués. Le choc est caractérisé par une hypotension sévère avec bradycardie, résistante aux doses habituelles d´adrénaline.

L´existence d´un prolapsus de la valve mitrale majore le risque de survenue de troubles du rythme et d´une insuffisance cardiaque au cours d´un choc anaphylactique.

L´insuffisance coronarienne ou cardiaque et l´asthme sont des facteurs aggravants. La fréquence de survenue d´un bronchospasme chez les sujets asthmatiques et celle de troubles du rythme, voire d´une défaillance cardiaque grave chez les sujets coronariens, sont majorées.

 

Investigations allergologiques diagnostiques

Le diagnostic du mécanisme de la réaction et de l´agent responsable sera porté à la suite d´un bilan biologique immédiat et d´un bilan allergologique secondaire.

 Bilan biologique immédiat : il comporte le dosage de l´histamine plasmatique, de la tryptase sérique et des IgE spécifiques de certains allergènes  ADDIN ENRfu (37).

En pratique, il suffit de prélever deux tubes de sang (tube éthylène-diamine-tétra-acétique : EDTA, et tube sec) dans l´heure qui suit le choc pour le dosage des médiateurs et des anticorps. Le laboratoire local effectuera la centrifugation immédiate de ces tubes afin de séparer le plasma (tube à EDTA) pour le dosage de l´histamine et le sérum (tube sec) pour la tryptase et les anticorps. Les dosages sont à effectuer dans les 24 heures, sinon il faut congeler ces tubes de plasma et de sérum.

Bilan allergologique secondaire : La recherche de l´agent causal nécessite une consultation allergologique dans les meilleurs délais, afin de réaliser un interrogatoire circonstancié et tester les substances suspectées. Une connaissance exhaustive de tous les contacts et faits survenus dans les heures précédant le choc anaphylactique est en effet indispensable à transmettre à l´allergologue qui réalisera le bilan secondaire. Celui-ci se situera idéalement 4 à 6 semaines après l´accident.

Le diagnostic s’appui lorsqu’ils sont réalisables, sur  des tests cutanés (épidermiques : prick-tests ; intradermiques ; ou par contact : patch tests) et s´aidera des résultats des prélèvements sanguins pratiqués pendant la réaction. Dans certains cas, si les tests allergologiques intradermiques sont négatifs avec le produit suspecté, il est licite d´envisager un test de réintroduction. Les indications de ce test sont restreintes aux antibiotiques, au latex, aux anesthésiques locaux. Il doit être réalisé dans un environnement permettant une réanimation.

 

Traitement du choc anaphylactique

 

Le traitement doit être bien codifié et débuté immédiatement de façon à éviter la survenue de complications et de séquelles.  ADDIN ENRfu (38, 39) Il repose essentiellement sur l’administration d’adrénaline à dose titrée adaptée à la sévérité des signes cliniques et sur le remplissage vasculaire en cas de réactions plus sévères.  Le protocole de traitement et la procédure à suivre ont fait l´objet d´une fiche validée par la Société française d´anesthésie et de réanimation en 2001. Elle peut être directement téléchargée à partir du site suivant : www.sfar.org/allergierpc.html.

 

Mesures générales

Éviction de l´allergène

Il convient avant tout, si possible, de stopper le contact ou l´administration de l´allergène présumé.

Mesures générales

Il faut ensuite allonger le patient, relever ses jambes afin de favoriser la perfusion cérébrale, supprimer les entraves vestimentaires faisant obstacle à la ventilation, assurer la liberté des voies aériennes et oxygéner si possible le patient en lui administrant de l´oxygène pur par un masque facial ou après intubation trachéale.

Adrénaline

L´adrénaline est la thérapeutique d´urgence du choc anaphylactique. Elle s´oppose point par point aux effets systémiques induits par la libération des différents médiateurs. Elle est vasoconstrictrice (effet alpha), inotrope positive (effet bêta 1), bronchodilatatrice (effet bêta 2) et inhibe la dégranulation des mastocytes et des basophiles. L´adrénaline n´est justifiée qu´à partir des réactions de grade II.

Adrénaline intramusculaire

L´administration d´adrénaline s´effectue initialement par voie intramusculaire 0,5 mg (de préférence à la voie sous-cutanée), puis par bolus intraveineux dès qu´une voie veineuse est disponible. La dose initiale injectée dépendra du stade de gravité clinique (cf. supra). La technique d´administration de l´adrénaline i.v. repose sur la méthode de titration : le bolus initial doit être renouvelé après quelques minutes en fonction de l´évolution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, jusqu´à concurrence de 1 mg, voire plus (10 à 50 mg) s´il existe une résistance au traitement.

Adrénaline intraveineuse

L´administration intraveineuse d´adrénaline doit être réalisée sous monitorage cardiovasculaire, car elle peut être à l´origine d´hypertension artérielle sévère, d´arythmies, voire d´infarctus myocardique, en particulier si la dose est trop importante. Ainsi, dans les réactions de grade II, le bolus doit être de 10 à 20 g, dans les réactions de grade III de 100 à 200 g, dans les grades IV (= arrêt cardiaque) de 1 à 5 mg. Des doses cumulatives d´adrénaline de 10 à 50 mg peuvent être nécessaires dans les réactions très sévères, en particulier s´il y a inefficacité cardiocirculatoire.

Adrénaline en perfusion

Après restauration d´un niveau tensionnel normal, l´entretien avec de l´adrénaline i.v. en continu à la posologie de 0,05 à 0,1 g kg-1 min-1 peut être nécessaire, en raison d´une instabilité tensionnelle.

 

Remplissage vasculaire

Un remplissage vasculaire par du sérum salé isotonique ou du Ringer Lactate à la posologie de 25 à 50 ml.kg–1 en 20 minutes doit être débuté conjointement à l´administration d´adrénaline. Si malgré ce remplissage la pression artérielle demeure instable, il faut renouveler l´administration de cristalloïdes, voire utiliser des hydroxyéthylamidons (Voluven®) à la posologie de 10 ml.kg–1 en 15 minutes.

 

Autres traitements

Bronchospasme résistant

Le traitement d´un bronchospasme résistant à l´adrénaline s´effectue par des bêta-2-mimétiques en spray (Ventoline®) ou en aérosol, par voie s.c. (Bricanyl®) ou par voie i.v. : Salbumol® (solution 0,5 mg ml–1) en bolus de 100 ou 200 g suivi d´une perfusion de 5 à 25 g min–1 de Salbumol® fort 5 mg 5 ml-1.

 

Corticostéroïdes

Les corticostéroïdes, en raison de leur long délai d’action, ne représentent pas un traitement de première intention dans le cadre du choc anaphylactique. Leur administration (hémisuccinate d’hydrocortisone : 200 mg IV), renouvelée toutes les 6 heures est habituellement proposée dans le cadre de la prévention des manifestations récurrentes de l'anaphylaxie. Elle ne doit pas retardée la mise en œuvre du remplissage vasculaire et l’administration d’adrénaline.

 

 

Traitement par bêtabloqueurs

Si le patient est traité par bêtabloqueurs, il faut augmenter les doses d´adrénaline (jusqu´à 10 mg ou plus), adjoindre de l´atropine (1 à 2 mg par voie i.v.) et du glucagon (Glucagen® : bolus i.v. de 1 à 2 mg à renouveler toutes les 5 minutes jusqu´à 5 mg, puis débit continu au besoin 1 mg h–1), effectuer un remplissage vasculaire, voire recourir au pantalon antichoc.

 

Femme enceinte

Chez la femme enceinte, on doit préférer l´éphédrine à l´adrénaline, car elle diminue le risque d´effondrement du débit utéroplacentaire et d´anoxie fœtale par vasoconstriction des vaisseaux utérins. L´éphédrine est administrée par bolus i.v. de 10 mg toutes les 1 à 2 minutes jusqu´à une dose totale de 0,7 mg kg–1. La patiente doit être installée en décubitus latéral gauche. En cas d´inefficacité de l´éphédrine, il faudra injecter sans plus tarder de l´adrénaline en bolus de 100 g.

 

Choc persistant

Si le choc persiste malgré l´adrénaline à fortes doses, des thérapeutiques d´exception seront débutées en milieu de réanimation : traitement par noradrénaline (0,1 g kg–1 min–1), dobutamine selon les données des mesures hémodynamiques invasives, voire utilisation d´une contrepulsion aortique. Le recours à la vasopressine a également été proposé.

 

Hospitalisation

L´hospitalisation des réactions sévères, essentiellement de grade II et III  est indispensable car des rechutes sont possibles durant les 24 heures qui suivent la réaction initiale. Un monitorage hémodynamique constant est en effet nécessaire, avec maintien d´un abord veineux pour permettre la reprise du traitement vasoconstricteur en cas de rechute.

 

 

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