Douleur et Analgésie

Mécanismes de la douleur post-opératoire.

Peut-on la prévenir, peut-on la supprimer ?

 

Marcel CHAUVIN
Service d’Anesthésie Réanimation

Hôpital Ambroise Paré

9 avenue Charles de Gaulle

92104 Boulogne Cedex

 

 

 

La douleur postopératoire est une douleur de type inflammatoire. L’inflammation se développe au niveau du site opératoire par l’intermédiaire d’un certain nombre de substances algogènes qui viennent sensibiliser les nocicepteurs périphériques. Elles sont responsables de la composante hyperalgésique périphérique, dite aussi primaire, de la douleur postopératoire.  Mais, comme pour toute douleur inflammatoire, à cette composante périphérique est associée une composante centrale, dite aussi hyperalgésie secondaire. Cette hyperalgésie d’origine centrale détermine la sévérité de la douleur postopératoire notamment provoquée et peut être à l’origine de douleurs chroniques postchirurgicales. Nous verrons dans l’exposé qu’un des moyens de prévenir la douleur postopératoire est de réduire la sensibilisation centrale via les substances antihyperalgésiques comme la kétamine et la gabapentine. Nous ne détaillerons pas les processus de sensibilisation périphérique par l’intermédiaire des médiateurs de l’inflammation qui stimulent et sensibilisent les nocicepteurs périphériques pour davantage développer la composante centrale de la douleur postopératoire.

 

COMPOSANTE HYPERALGESIQUE CENTRALE DE LA DOULEUR POSTOPERATOIRE

La douleur postopératoire est une douleur de type inflammatoire. Comme pour toute douleur aiguë de cette nature, elle associe deux composantes physiopathologiques: la composante proprement nociceptive, conséquence de stimulations au site chirurgical dont l’intensité est au-dessus du seuil nociceptif, et la composante hyperalgésique qui s’installe au bout de quelques minutes et qui contribue à majorer la sensation douloureuse (hyperalgésie : sensibilité accrue à un stimulus nociceptif). L’hyperalgésie s’associe à des phénomènes d’allodynie (douleur produite par un stimulus non nociceptif). L’hyperalgésie est de deux types, primaire et secondaire. L’hyperalgésie primaire siège au niveau de la lésion, en zone inflammatoire, tandis que l’hyperalgésie secondaire siège en dehors de la zone inflammatoire. L’hyperalgésie primaire résulte des phénomènes de sensibilisation périphérique, et l’hyperalgésie secondaire reflète une hyperexcitabilité centrale.

            Des études cliniques ont évalué l’influence de la chirurgie sur les processus de sensibilisation centrale. Dahl et al (1) ont montré qu’à la suite d’une laparotomie pour chirurgie pelvienne chez la femme, le réflexe nociceptif de flexion était modifié, le seuil était diminué (allodynie) et la réponse réflexe augmentée (hyperalgésie). Ce réflexe explorant la transmission nociceptive au niveau médullaire, les résultats de cette étude sont en faveur d’une hyperexcitabilité médullaire engendrée par la chirurgie. Tverskoy et al (2), en utilisant un appareil permettant d’appliquer des pressions calibrées (Algometer®), ont mis en évidence une allodynie et une hyperalgésie sur la cicatrice d’une chirurgie d’hystérectomie par laparotomie. Stubhaug et al (3) ont mis en évidence, avec les filaments de von Frey, une zone d’allodynie autour d’une cicatrice de lombotomie, en dehors de la zone d’inflammation, ce qui est aussi en faveur d’une participation centrale à ces manifestations d’hyperalgésie. Une hyperalgésie secondaire a aussi été détectée par McConaghy et al (4) à 10 cm au-dessus d’une cicatrice d’hystérectomie par laparotomie. L’hyperalgésie secondaire autour d’une cicatrice a été trouvée corrélée avec la dose consommée de morphine en PCA, et était toujours présente 3 mois après la chirurgie chez 34 des 45 malades étudiées (5). Plus récemment, Dirks et al ont observé, chez des patientes opérées d’hystérectomie, une corrélation directe entre l’aire d’allodynie autour de la cicatrice abdominale et celle produite de façon expérimentale par une source de chaleur appliquée sur la face antérieure de la cuisse (6), ce qui suggère que les mécanismes à l’origine de ces allodynies sont similaires. L’intensité de la douleur et l’importance de cette sensibilisation centrale postopératoire semblent pouvoir être prédites en préopératoire par le niveau de douleur ressenti par le patient lors d’une stimulation thermique de 48° (7). Etant donné que la présence d’une douleur chronique préopératoire s’associe à une allodynie dans le territoire concerné par la douleur, reflet d’une sensibilisation centrale, il n’est pas étonnant que la douleur préopératoire puisse conditionner une hyperalgésie postopératoire plus importante (8). Par ailleurs, il semble exister une relation entre la surface d’allodynie péricicatricielle, témoin de l’hyperalgésie postopératoire et la survenue de douleurs persistantes 6 mois après une chirurgie (9). Des zones d’allodynie ont été retrouvées dans les territoires douloureux de patients souffrant de douleurs chroniques après chirurgie cardiaque (10) ou dans des territoires controlatéraux à la chirurgie après thoracotomie (11). La relation mise en évidence entre le seuil nociceptif préopératoire et le développement de douleurs de moignons à 6 mois après une amputation, est également en faveur du rôle déterminant de la sensibilisation centrale périopératoire dans le développement de douleurs chroniques postchirurgicales (12). Comme la douleur postopératoire, la surface d’allodynie péricicatricielle est très variable d’un malade à l’autre pour un même type de chirurgie, et il semble exister une relation entre l’étendue de l’allodynie péricicatricielle et la sévérité de douleur postopératoire provoquée par exemple au mouvement (3). Ceci laisse à penser qu’une douleur postopératoire intense est le reflet d’une hyperalgésie postopératoire importante et que dans ce cas, l’adjonction d’un traitement antihyperalgésique, comme un antagonistes des récepteurs NMDA (comme par exemple la kétamine IV à doses faibles), à un protocole d’analgésie multimodale serait particulièrement déterminant et efficace pour la prévention et le contrôle de la douleur postopératoire.

            Une preuve indirecte de l’existence d’une hyperalgésie d’origine centrale parmi les composantes de la douleur postopératoire est l’efficacité des substances purement antihyperalgésiques (et non antinociceptives) pour améliorer le contrôle de la douleur postopératoire. En effet, les antagonistes des récepteurs NMDA (type kétamine à dose faible ou dextrométorphan) ou la gabapentine diminuent l’hyperalgésie secondaire autour de l’application d’une source de chaleur, sans modifier les seuils nociceptifs dans le reste du corps. Ces substance antihyperalgésiques semblent capables de prévenir la douleur postopératoire par une administration précoce pré ou peropératoire, la durée d’action dépassant les 5 demi-vies d’élimination connues de ces substances (13-17).       

            Les mécanismes centraux de l’hyperalgésie sont de mieux en mieux connus et seraient en réalité très proches pour différents types de douleurs, qu’elles soient inflammatoires ou neuropathiques (18). Les sensations douloureuses à type d’allodynie et d’hyperalgésie seraient en relation avec un état d’hyperexcitabilité des neurones nociceptifs, notamment de la corne postérieure de la moelle épinière. Les activations des fibres afférentes nociceptives (Ad et C) provoquent l’excitation de neurones spinaux situés dans les couches superficielles et profondes de la corne dorsale de la moelle, par la libération de neurotransmetteurs qui ne sont pas moins d’une vingtaine et qui participent à cette hyperexcitabilité centrale. Parmi ces substances, citons le glutamate qui par l’intermédiaire de ses récepteurs postsynaptiques spécifiques ionotropiques et métabotropiques, augmente la fréquence de décharge des neurones postsynaptiques. Le récepteur NMDA a particulièrement retenu l’attention. A l’état basal, il est inactif et son canal est obstrué par les ions magnésium. A la suite d’un stimulus nociceptif intense et répété, la dépolarisation du neurone conduit à l’ouverture du canal ionique associé au récepteur NMDA et à l’entrée massive de calcium dans la cellule. La forte concentration de calcium intracellulaire active notamment la NO synthase, source de production de NO intracellulaire et la cyclooxygénase de type 2 (COX 2) à l’origine de la synthèse de prostaglandines centrales. Le NO et les prostaglandines peuvent diffuser dans les éléments présynaptiques ou dans les cellules gliales, et par ce mécanisme être à l’origine d’une augmentation de la libération présynaptique de glutamate si bien que des boucles à rétrocontrôle positif s’installent et contribuent au développement d’une hyperexcitabilité centrale. En effet, le rôle des prostaglandines dans la genèse de la sensibilisation centrale a été récemment mis en évidence. Outre leur faculté d’accroître la libération présynaptique de neuromédiateurs comme le glutamate, les prostaglandines sont susceptibles également d’agir en postsynaptique sur les protéines kinases (PKC et PKA) et ainsi de favoriser l’activation de récepteurs et canaux ioniques postsynaptiques. Par ailleurs, les prostaglandines créent une dépolarisation des membranes cellulaires postsynaptiques, rendant ainsi les neurones postsynapriques plus facilement excitables, en réduisant les influences inhibitrices sur ces neurones comme celles exercées par les interneurones inhibiteurs gabaergiques et glycinergiques en inhibant directement le GABA et la glycine au niveau de leurs récepteurs respectifs via les récepteurs EP2. Le NO et le calcium agissent aussi au niveau transcriptionnel en modifiant l’expression de certains gènes, dont les gènes dits à expression immédiate (c-FOS, c-JUN et COX 2) et à réponse tardive comme les gènes codant notamment pour la prodynorphine, le récepteur de la substance P (récepteur NK1), des neurotrophines tel que le BDNF, ou des récepteurs tel que le récepteur trkB sur lequel ce dernier agit. Ces protéines ainsi synthétisées sont responsables d’activations cellulaires à long terme à l’origine d’une neuroplasticité centrale qui pourrait expliquer la chronicisation des douleurs postchirurgicales et les phénomènes de mémorisation de la douleur.

 

            PREVENTION DE L’HYPERALGESIE POSTOPERATOIRE

            L’anesthésie locorégionale

            L’anesthésie locorégionale (ALR), par le blocage des influx nociceptifs périphériques, permet d’atténuer la sensibilisation centrale périopératoire. Lavand’homme et al (19) ont récemment démontré qu’une anesthésie péridurale périopératoire avec des anesthésiques locaux permet de prévenir le développement d’une hyperalgésie péricicatricielle dans une chirurgie avec laparotomie et la survenue de douleurs résiduelles jusqu’à 1 an après la chirurgie. Il est intéressant de noter, dans cette étude (19), qu’une anesthésie péridurale limitée à la période peropératoire était aussi efficace qu’une anesthésie péridurale per et postopératoire. Gottschalk et Frank (20) ont rapporté le cas d’une patiente ayant eu une anesthésie péridurale unilatérale peropératoire pour une hystérectomie par voie abdominale sous anesthésie générale. Le seuil douloureux était plus élevé en postopératoire du coté bloqué en peropératoire. Par ailleurs, d’autres auteurs ont retrouvé une incidence de douleurs chroniques postchirurgicales moins fréquente chez des patients opérés de chirurgie thoracique et bénéficiant d’une anesthésie péridurale avec des anesthésiques locaux en périopératoire (21,23). Cependant, ceci n’a pas été confirmé pour la prévention des douleurs de membre fantôme après amputation (24). En effet, l’ALR peut être insuffisante pour prévenir et/ou traiter la sensibilisation centrale et par suite éviter la constitution de douleurs chroniques postchirurgicales : probablement une ALR sur quelques heures voire jours ne permet pas, dans certains cas, de traiter la neuroplasticité centrale constituée à la suite de douleurs préexistantes anciennes qui évoluent depuis plusieurs mois voire années ¾ l’ALR peut créer un bocage incomplet des afférences nociceptives notamment vis-à-vis des stimulations à hautes fréquences (25) ¾ enfin, les afférences nociceptives peuvent se propager indépendamment de la moelle épinière via les nerfs phrénique et vague dans la chirurgie tronculaire.

            D’ailleurs, l’association d’une substance antihyperalgésique, comme la kétamine ou la gabapentine, à une ALR améliore la prise en charge de la douleur postopératoire (26-28).

            La kétamine

            La kétamine à dose faible (£ 0,5 mg/kg) est un antagoniste non compétitif des récepteurs NMDA. Elle bloque le canal du récepteur NMDA en se fixant sur le site de reconnaissance phencyclidine du récepteur (29). Le magnésium crée un blocage physiologique voltage-dépendant du canal du récepteur. Le magnésium se dé fixe du canal du récepteur en cas de dépolarisation membranaire partielle à la suite de stimulations nociceptives fortes ou fréquentes, ce qui permet l’entrée de Ca++ dans la cellule. La kétamine, par sa fixation dans le canal, prévient ce phénomène. Ainsi, la kétamine, comme d’autres antagonistes NMDA, diminue la sommation temporelle des stimulations à haute fréquence appelée aussi wind-up (30-33). 

            La kétamine à dose faible par voie IV diminue de manière importante l’hyperalgésie péricicatricielle. Cet effet est très prolongé puisqu’il s’observe encore 4 jours après son arrêt (3). Il s’associe à une réduction de la consommation postopératoire de morphine (34,35). Dans certaines études, les niveaux de douleur sont également diminués (36,37). A cet effet immédiat postopératoire, la kétamine semble également capable de prévenir le survenue de douleurs chroniques postchirurgicales (9).

            Des métanalyses récentes (15,16,38-40) ont montré que la kétamine avait un effet analgésique qui dépassait son effet pharmacologique car encore présent après 5 demi-vies d’élimination. L’explication en est une analgésie préventive par une limitation à la sensibilisation du système nerveux.

            Par ailleurs, les bénéfices de ces faibles doses de kétamine ne s’associent pas à des effets indésirables type dysphorie, retard de réveil, nausées, vomissements, ou majoration de l’effet dépresseur respiratoire des morphiniques (15,16,38-40). 

L’association kétamine–morphine est particulièrement intéressante. Expérimentalement il a été montré que la kétamine potentialise l’effet antinociceptif de la morphine et atténue les phénomènes de tolérance aiguë morphinique. De faibles doses de morphine et de bloqueurs NMDA qui n’ont pas d’effet sur le wind-up (41) ou sur l’expression C Fos de l’inflammation à la carragénine (42), produisent une action marquée quand elles sont associées (41,42). Une supra-additivité marquée a également été retrouvée entre la kétamine et la morphine dans un test orofacial à la capsaicine chez le rat par la méthodologie des isobologrammes (43). Nous avons mis en évidence, sur un réflexe des fibres C chez le rat, qu’une faible dose de kétamine ne modifie pas le réflexe quand elle est administrée isolément mais, diminue les doses efficaces de sufentanil (44). Chez le volontaire sain, la kétamine et la morphine en association, abolissent le phénomène de « wind-up », tandis qu’ils n’ont pas d’effet  quand elles sont administrées isolément (45). Nous avons observé les mêmes types de résultats sur les courbes de recrutement du réflexe RIII (46).

            Les bloqueurs NMDA ont également l’intérêt de prévenir et/ou de retarder la tolérance morphinique (47-49). En effet, le système glutaminergique est impliqué dans ce phénomène (48,49) et notamment dans la tolérance aiguë (50,51). Cette tolérance aiguë morphinique s’associe à une allodynie et une hyperalgésie retardées d’autant plus profondes et prolongées que la dose du morphinique est élevée (52), elle est prévenue par une pré administration d’un bloqueur NMDA (50-53). Un des mécanismes impliqué dans la tolérance aiguë morphinique est l’activation d’une protéine kinase C par les agonistes morphiniques µ avec pour conséquence une défixation du magnésium du récepteur NMDA via une phosphorylation des récepteurs NMDA (54-56). La résultante est une entrée massive de Ca++.

L’hyperalgésie morphinique s’observe d’autant plus rapidement que le morphinique se dissocie rapidement du  récepteur morphinique, comme le confirme l’observation d’un état d’hyperalgésie postopératoire après une anesthésie utilisant du rémifentanil (57). Dans un travail récent, nous avons matérialisé cette hyperalgésie par la mise en évidence d’un accroissement de la zone d’hyperalgésie péricicatricielle à une stimulation provoquée mécanique de type statique utilisant les filaments de von Frey (58). Ces états d’hyperalgésie après rémifentanil  sont apparus après l’administration peropératoire de doses fortes de rémifentanil (57,58). Par contre, Nous avons trouvé qu’une dose faible de kétamine peropératoire (bolus de 0,15 mg/kg suivi d’une perfusion de 2 µg.kg-1.min-1) permettait de réduire la consommation de rémifentanil peropératoire et de morphine postopératoire dans la chirurgie colorectale par laparotomie (59). Elle abolissait également l’augmentation de la surface d’hyperalgésie péricicatricielle observée après des doses fortes de rémifentanil peropératoire (58).

            La gabapentine

            La gabapentine a initialement été proposée comme substance antiépileptique. Par la suite, des propriétés antihyperalgésiques et antiallodyniques ont été mises en évidence par de nombreuses études chez l’animal. Parallèlement, elle s’est montrée efficace pour traiter les douleurs neuropathiques et les algodystrophies (60). Plus récemment, elle s’est avérée aussi particulièrement efficace pour prévenir les douleurs postopératoires (14).

            La gabapentine est un analogue structural de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), mais elle n’a pas d’action sur les récepteurs GABAB ou d’autres récepteurs de neurotransmetteurs comme les récepteurs NMDA. Son mécanisme d’action principal est une fixation à la sous-unité a2d des canaux calciques voltages dépendants (61). Ces canaux calciques sont surexprimés dans les processus douloureux inflammatoires comme dans les douleurs neuropatiques et participent au développement et au maintien de l’hyperalgésie. Ces récepteurs sont en effet présents en présynaptique dans les couches superficielles de la moelle épinière et leur blocage par la gabapentine est à l’origine d’une réduction de la libération des neuromédiateurs, neuropeptides et acides aminés excitateurs.

            Chez le volontaire sain, la gabapentine réduit l’hyperalgésie cutanée produite par l’application locale de chaleur et de capsaicine (62). L’hyperalgésie induite par ce modèle est très proche de celle d’une incision chirurgicale. Dans des chirurgies variées (mastectomie, hystérectomie par voie abdominale, cholécystectomie par coelioscopie, chirurgie du rachis, chirurgie arthroscopique), une prémédication avec 1200 mg de gabapentine per os 2 heures avant la chirurgie, réduit la consommation de morphine de 30 à 60%, réduite la douleur spontanée et dans certains travaux la douleur provoquée (14). Dans une étude récente (63), nous avons montré que la gabapentine en prémédication permet d’améliorer l’angle de flexion en postopératoire d’une chirurgie ligamentaire du genou par arthroscopie. Non seulement cette prémédication était bien tolérée, mais en plus nous avons observé un effet anxiolytique préopératoire important (63).

            Dans une étude dose-réponse chez des patients opérés de chirurgie du rachis, 600 mg per os était la dose optimale de gabapentine, des doses supérieures n’étaient pas plus efficaces mais induisaient des effets indésirables avec sensations de fatigues,  vertiges, somnolence et céphalées (64).

            Expérimentalement, l’interaction médicamenteuse entre la gabapentine et les morphiniques est positive. La gabapentine augmente l’effet analgésique de la morphine chez le volontaire (65) et une interaction synergique a été retrouvée chez l’animal (66). Cette interaction synergique peut s’expliquer par un blocage des phénomènes de tolérance aiguë morphinique (67).

            L’ensemble de ces études montre la place de la gabapentine dans une approche pharmacologique multimodale de l’analgésie postopératoire (28). La prévention de l’hyperalgésie postopératoire permettrait de réduire l’incidence des douleurs chroniques postchirurgicales comme le suggère une étude récente dans la chirurgie du sein (68-70).               

            En conclusion, la douleur postopératoire peut être majorée par la mise en jeu des phénomènes d’activation neuronale à l’origine d’hyperpathie. Cette hyperalgésie détermine la sévérité de la douleur postopératoire notamment à la mobilisation. La neuroplasticité centrale, ainsi créée par les stimulations nociceptives intenses de la période périopératoire, est durable et pourrait devenir irréversible, à l’origine de douleurs chroniques postchirurgicales. Les substances antihyperalgésiques comme la kétamine et la gabapentine ont un profil d’action intéressant, elles préviennent l’hyperalgésie postopératoire et réduiraient l’incidence des douleurs chroniques postchirurgicales. 


 

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