JLAR  1999

 

 

 

Sommaire

 

Vie professionnelle L'ANESTHESIE EN FRANCE EN 1996 : RESULTATS DE L'ENQUETE " 3 JOURS " MENEE PAR LA SFAR EN COLLABORATION AVEC L'INSERM

Auteurs : Groupe de travail : F. CLERGUE, M.C. LAXENAIRE, Y. AUROY, E. JOUGLA, F. HATTON, F. PEQUIGNOT, F. LAURENT

 

Résumé

 

La Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR) en partenariat avec l'INSERM a décidé de réaliser une enquête pour évaluer l'activité anesthésique durant l'année 1996 dans les établissements publics et privés de la France métropolitaine et des DOM-TOM. Cette enquête visait à obtenir des informations représentatives sur un certain nombre de caractéristiques importantes des anesthésies, à savoir nombre et type d'acte anesthésiques et circonstances de réalisation, types d'intervention pour lesquelles les anesthésies ont été effectuées, caractéristiques des patients, pratiques transfusionnelles associées à ces actes.

Les résultats de l'enquête, extrêmement abondants ont été publiés dans un numéro spécial des Annales Françaises d'Anesthésie Réanimation en 1998 (volume 17 - numéro 11).

Le premier résultat important de l'enquête est l'estimation du nombre d'anesthésies en France au cours de l'année 1996 qui est de : 7 937 000 + 387 000 anesthésies. Ce chiffre d'environ 8 millions d'anesthésies, qui va désormais s'imposer, remplace le chiffre qui était jusqu'à présent dans nos mémoires et qui remontait à l'année 1980, le nombre d'anesthésies fixant à 3 600 000 + 240 000. L'augmentation du nombre d'anesthésies est donc globalement de 120% en 16 ans. Cette progression est particulièrement marquée dans 3 catégories de population :

1 - les enfants de 1 à 5 ans (surtout les garçons) et les anesthésies en ORL représentent à elles seules 70 % de l'augmentation dans cette tranche d'âge

2 - les femmes de 20 à 39 ans, pour lesquelles les anesthésies obstétricales représentent 63 % de l'augmentation, dans cette tranche de population ;

3 - les sujets âgés de plus de 60 ans, pour lesquels les anesthésies pour trois types d'actes rendent compte de 61% de l'augmentation observée : endoscopie digestive, orthopédie, ophtalmologie.

Rapporté à la population française, le chiffre de 1996 correspond à un taux annuel de 13,5 anesthésies pour 100 habitants et de presque 1 sur 3 pour les hommes de plus 74 ans. Ces chiffres signifient que l'anesthésie n'est pas un phénomène marginal pour la société et que tout habitant de notre pays a subi, ou risque de subir, une ou plusieurs anesthésies durant sa vie : l'enfant pour un acte ORL, l'adulte pour un acte obstétrical s'il d'une femme et le sujet âge pour une endoscopie digestive, une intervention orthopédique ou ophtalmologique.

    Ces données, associées au doublement de la fréquence des patients de classe ASA3 ou plus parmi les sujets anesthésiés, montrent qu'en 16 ans la perception des avantages et des dangers de l'anesthésie et/ou des actes qui la motivent a changé. Il est a noter également que la durée des anesthésies a augmenté : en 1980, les 2/3 des anesthésies duraient moins d'une heure; ce n'est plus désormais le cas que pour la moitié d'entre-elles. Les anesthésies sont donc plus nombreuses, plus difficiles et plus longues. On comprend que la première suite à donner à cette enquête porte sur la démographie médicale. En effet, la juxtaposition de ces chiffres avec le faible nombre de spécialistes en formation ne peut manquer de nous inquiéter aujourd'hui.

    Les données concernant l'obstétrique sont particulièrement éloquentes. Désormais, une femme sur deux accouche sous analgésie péridurale en France et, pour ce faire, l'effort réalisé par la profession a été tout-à-fait considérable. Si l'obstétrique ne représente que 9% du total des anesthésies, elle est à l'origine de 27 % de celles qui sont effectuées en urgence et de 74 % de celles qui sont débutées après minuit. Cette charge de travail est tout-à-fait importante et méritera certainement d'être prise en compte à l'avenir pour ne pas faire fuir les anesthésistes réanimateurs des établissements pratiquant l'obstétrique.

    L'anesthésie générale reste le type d'anesthésie prépondérant avec plus de 77% des actes. Néanmoins, le nombre et la part des anesthésies loco-régionales ont fortement progressé. La technique la plus utilisée est la rachianesthésie suivie par les anesthésies péridurales et l'anesthésie péribulbaire.

Les chiffres concernant la transfusion sanguine sont d'un intérêt limité à la durée de l'anesthésie pour la transfusion de sang homologue (sans indication sur la phase postopératoire) et l'utilisation d'une technique autologue (sans indication si le sang autologue était retransfusé ou non). L'enquête fournit la répartition réelle des techniques transfusionnelles et l'ampleur des économies de sang homologue potentielle.

Les résultats de cette étude ouvrent un vaste champ de connaissances sur l'anesthésie. Ils permettent à chaque médecin anesthésiste réanimateur de mieux prendre conscience de l'identité de sa discipline, de ce qu'elle réalise, ou, quand, comment, pourquoi, et pour qui tous ces actes sont effectués. Au delà de cette première lecture, la connaissance précise de l'activité anesthésique va permettre d'analyser plus profondément son importance et son utilité pour la population et de s'interroger sur les orientations prioritaires à obtenir pour les développement futurs de cette spécialité. L'enquête fait apparaître clairement que les progrès apportés par l'anesthésie au cours de la dernière décennie sont désormais identifiables en termes de santé publique. Ils permettent notamment à la moitié des femmes qui accouchent de la faire sans douleur et aux patients à l'âge extrême de la vie de bénéficier de la chirurgie.

Dans une période où l'anesthésie apparaît trop souvent aux yeux du grand public comme porteuse de risques, ces points positifs méritent d'être soulignés.